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ALAYER
NOUVEAUX DOCUMENTS
Je sais personnellement un gré infini à M. le marquis de Boisgelin de cette étude, parue ici même, où il jette pour la première fois la lumière sur une vieille famille de la Haute-Provence oubliée par Artefeuil. Des pièces nouvelles, en fort grand nombre (300 environ, de valeurs fort inégales), permettent de compléter en plusieurs points, de rectifier en quelques autres le travail déjà connu des lecteurs de ces Annales.
I. — Et d'abord, au lieu de 1596, c'est 1490 environ qu'il faut prendre pour point de départ de la race. A cette époque, un Alayer (Dallayer plutôt), de prénom inconnu, épouse Honorade de Maistre, dame d'Eyre. En 1515, ce premier auteur est mort ; sa femme survit et marie, le 21 avril, au château de Prads, son fils Jacques, seigneur de Tercier, à Isabeau de Puget, fille de M. de Prads (1).
II. — Fort longtemps après, 6 octobre 1561, Esperit, fils de Jacques, se marie à son tour. Dans son contrat, il est qualifié « capitaine, lieutenant et gouverneur pour le Roy au fort et ville de Digne ». La mariée est Jeanne de Chaussegros, fille à feu Bernardin, seigneur de Champourcin et de la Javie (2).
(1) Philippe Baille, notaire au Vernet.Esperit convola plus tard en secondes noces avec Marguerite Carbonnel, de Moustiers, croyons-nous. Il testa le 8 décembre 1587 (1).
(2) Balthazar Calvin, notaire à Digue.
De ses deux mariages il laissait cinq enfants : Loys, Elzéar, Françoise, Joseph et François. Tous furent mariés, mais nous ignorons les noms des femmes de Loys et de Joseph; Loys ne paraît pas laisser de descendance. Elzéar épouse Honorade Falque et meurt sans postérité non plus, ayant testé le 22 mars 1593 (écritures inconnues). Françoise s'était mariée à un Esperit Meynier.
Joseph, mort nous ne savons quand, eut pour fils cet Esperit, deuxième du nom, qui se fit prêtre une fois veuf. Je trouve qu'il a été aussi second consul de Digne, en 1633. Outre les quatre fils, morts jeunes, que M. de Boisgelin nous révèle, il eut au moins deux filles, mariées à des procureurs, Jean Mairanes et Jacques Aubert.
III. — François, frère et non pas fils de Joseph, comme le voudraient les sources de M. de Boisgelin, épousa, le 17 novembre 1606, à Allons, Louise de Requiston, sœur du seigneur du lieu (2). Il est ici permis de s'étonner du silence d'Artefeuil. De même que, dans la famille de Puget, il omet Isabeau, mariée en 1515, — dans les Requiston, il nomme Splandian, frère de Louise, Julie, sa soeur, et se tait sur Louise.
François teste le 4 avril 1618 (3). M. de Boisgelin nomme ses deux fils ; c'est le cadet Jean qui survit ; son existence s'étend de 1613 à 1689 au moins. Par la mort d'Esperit, 1674, il devient le chef du nom.
Mais, dès 1605, un titre nouveau était entré dans la famille, celui de conseigneur de Champourcin. Nous en avons trouvé l'hommage aux archives des Bouches-du-Rhône, à la date du 3 février. Les autres conseigneurs, à l'époque, sont les Baille, les Gaudin, les Richelme, les Michel surtout. Jusqu'ici, la seule histoire intéressante que nos papiers nous apprennent est celle d'un long procès en restitution de biens d'Église, soutenu par François de Champourcin contre messire Jacques Trichaud, archidiacre (1606-1610). Il s'agissait de terres acquises à Entrages par Esperit Ier. Dans le feu de la dispute (on était processif, sous l'évêque Antoine de Bologne), messire Trichaud s'oublie à traiter notre ancêtre d' « opiniastre ».
(1) Hermitte, notaire à Digne.IV ET V. — Le 4 septembre 1633, à Esclangon, Jean épouse Isabeau de Rascas, fille de damoiselle Clairice, des comtes de Vintimille de Roux ; c'est la plus illustre alliance de la famille (1). L'évêque Raphaël de Bologne y assiste. De ce mariage naît un fils, François, lequel est peut-être un cadet, car, à onze ans, le 26 mai 1646, il reçoit les ordres mineurs du même évêque Raphaël.
(2) Fabry, notaire à Saint-André,
(3) Ripert notaire à Digne.
Quoi qu'il en soit, il se marie, comme l'on sait, à Catherine de Pontevès (1664) et en a cinq enfants, dont deux filles, tous morts en bas âge, à l'exception du « petit Monsieur Joseph, que je prie Dieu vous le vouloir conserver ». (Lettre de 1668.) Mais François meurt, croyons-nous, subitement (2), en mai 1669, et sa veuve teste peu après.
En attendant, Jean son père avait rempli divers emplois militaires ou civils que nous connaissons : lieutenant à Casai, sous Créqui, 1635 ; cornette dans la compagnie du baron de Gaillac, 1639 ; commandant de la milice de Digne, 1642 ; premier consul de Digne et député à l'assemblée des communautés de Provence à Brignoles, où il fut délégué par la noblesse pour assister à l'audition des comptes, 1654. Ces titres, réunis à ceux de ses ancêtres, lui firent repousser sans peine, 1656, une attaque du fisc qui voulait le soumettre au droit périodique de franc-fief, impôt payé par les roturiers détenteurs de biens nobles (1). Le fait est qu’Esperit, Joseph et François, premier du nom, de 1578 à 1604, se trouvent qualifiés marchands, malgré la noblesse bien prouvée de la race.
(1) Nury, greffier à Digne. Les Vintimille prétendent remonter à Charlemagne.VI. — Quant à Joseph, petit-fils de Jean, appelé de Costemaure (plutôt que Costemore), du nom d'une montagne de Champourcin, il devint, par son mariage, 1687, conseigneur du Poil au diocèse de Riez (2). Bien que sa carrière ait été courte, les honneurs ne lui manquèrent pas. En 1692, comme son aïeul, il commande la milice dignoise; en 1693, le 19 juillet, il est reconnu maire de Digne, charge qu'il rétrocède à la ville le 10 janvier 1700, au prix coûtant de 7,130 livres ; en 1702, il est capitaine au régiment de Gassion. Cette même année, nous le trouvons en garnison au fort de Coudon, près Toulon. Il meurt « dans le lit d'honneur », comme écrit son fils Honoré, écrasé par une bombe dans la tranchée, au siège de Nice, sous M. d'Usson (du 8 décembre 1705 au 1er janvier suivant).
(2) On a des attestations de ses dernières communions.
Il était veuf avant 1700 et laissait, outre trois fils que M. de Boisgelin énumère, trois filles, dont l'une, Cécile, mourut non mariée ; Marguerite entra en religion, et Isabeau épousa Joseph Giraud, conseigneur de la Javie ; d'où une fille, Marianne, mariée à un Sauve, de Verdaches.
(1) Décharge du 17 novembre. Mais il fut assujetti plus tard par un jugement de l'intendant, 12 avril 1674.Jean, deuxième du nom, hérite de la compagnie de son père. Marié en 1708, mort vers 1720, il a trois enfants, dont peut-être une fille, Sextie. Ce que devient l'aîné, nous l'ignorons à peu près : il meurt, du moins, sans enfants mâles. L'autre, Gaspard-Alexis, ainsi nommé d'un oncle, M. de Jaubert-Pontevès, mourut fort tard, 4 thermidor an IX (23 juillet 1801), dans sa bastide de Champourcin, où il passait sa vie. Cependant je vois qu'il a servi dans la guerre de Sept Ans (1758). Comme il mourut sans postérité, sa fortune passa aux cousins des deux branches, les d'Alayer et les Sauve.
(2) Je relève ici deux légères erreurs du travail précédent.
VII. — Le vieux tronc ne se perpétue donc que par un cadet, Honoré, deuxième fils de Joseph (perdant même un autre frère, Joseph-François, 1723). Il meurt commandant de bataillon, dans son château du Poil, le 22 juin 1740, et sa veuve le suit, le 23 juillet 1743 (1). En 1722, inquiété, lui aussi, pour le droit de franc-fief, il rédige cette précieuse requête qui nous apprend la glorieuse mort de son père.
Ses enfants sont fort nombreux : Laurent-André-Joseph, Joseph-Gaspard, Honoré, puis Elisabeth, Marie-Ursule, Claire, Marie-Gabrielle, Marianne, Lucrèce. Les trois dernières filles et Joseph-Gaspard meurent intestat et sans postérité, de 1743 à 1754.
André fut vicaire général à Die, 1766, sous l'évêque du Plan des Augiers, dernier titulaire, puis curé de Vesc en Dauphiné, et il émigra en 1792. Il mourut dans cet état, à Ratisbonne, juillet 1800 (2).
D'Honoré nous parlerons plus bas. Elisabeth épousa M. de Richaud de Servoules, officier dans la compagnie de Conti (en garnison au fort Saint-Vincent, sur l'Ubaye, lors de sa mort), et mourut sans enfants à Thoard, chez Mme de Matheron, le 5 juin 1754. Elle avait moins de trente ans.
(1) Mortuaires. — Le mariage est aux écritures de Me Aubert, à Digne.Ursule, morte avant la Révolution, avait épousé un Marseillais, André Bellon, négociant en armes, qui dut émigrer plus tard. De ce mariage sortirent Claire, morte de bonne heure, et Marianne, qui épousa Louis-Philippe Béraud « contre la volonté des parents ». Cette union fut d'ailleurs stérile. Claire, sœur d'Ursule, ne se maria pas et mourut en 1791.
(2) Acte de dépôt du 30 de ce mois (en allemand).
VIII. — Quant à Honoré, deuxième du nom, né au Poil, le 21 juin 1736 (parrain André, marraine Elisabeth), il entre dans Lorraine-Infanterie, où il est successivement : lieutenant, 14 janvier 1757; sous-aide major, 19 mai 1766 ; capitaine, 9 juin 1772; il reçoit l'ordre, le 15 juillet 1781. Au 27 juillet 1786, il est nommé major commandant l'île de Porquerolles (1), fonctions qu'il exerce jusqu'au 1er août 1791. Un décret de la Convention du 19 mai 1793 liquide sa pension de retraite, comme chef de bataillon. Cependant il subit, sous la Terreur, des « persécutions » qui nous sont obscures. De vendémiaire à thermidor an VIII (1799-1800), le gouvernement lui confie huit revues.
Nous ne saurions passer sous silence quelques traits de la carrière militaire de ce d'Alayer. Captif de Ferdinand de Brunswick, dans le Hanovre, il refuse, pour le bien de ses soldats, de profiter de la liberté qu'on lui offre, et endure, de ce chef, une captivité de près de trois ans, à Lunebourg et à Stade (23 février 1758 au 18 novembre 1760). Dans les campagnes suivantes, il est à l'arrière-garde de l'armée en retraite. On oublie longtemps ses brillants services.
Il avait épousé, avant 1770, à Toulon, Marie-Rose du Piquet, qu'il perdit en 1776. Veuf sans enfants, il convole à Marseille, 1781, avec une demoiselle de Gravier ; mais, ici, je n'ai plus qu'à renvoyer au travail de M. de Boisgelin. J'ajoute toutefois que l'un de ses beaux-frères, le jeune Victor, officier, émigra en 1789.
(1) Confusion du travail de M. de Boisgelin, qui attribue cette charge à un frère anonyme.La maison où mourut le vieil Honoré, bisaïeul de celui qui écrit ces lignes, en 1812, était rue de l'Hubac, « vis-à-vis la poste », et appartenait aux Simon Soldat, cafetiers. C'est là qu'il habitait, ayant, depuis 1805, quitté la Javie. Nous ne savons ce que devient sa portion de Champourcin après l'an XII, mais elle ne figure pas dans son inventaire. Le seul immeuble qui fût encore à lui dans les Basses-Alpes est un jardin du Tempinet, signalé depuis 1587.
Des procès, une maladie cruelle attristèrent la fin de ce bon soldat et de ce vrai d'Alayer, fidèle à son vieux pays, désormais abandonné pour Marseille. Je crois, pour ma part, être pieux envers la race et le terraire en adressant ce nécrologe mélancolique à Digne, où tant d'ossements chers reposent (1).
G. ANCEY D'ALAYER.
Nota. — Pour nos renvois à M. de Boisgelin, voir les Annales, année 1899,
pp. 194-200.
(1) D'après mes recherches, l'orthographe du nom de la famille aurait éprouvé les variations suivantes : Dallayer, dans les plus vieux textes ; puis, de 1550 à 1650 environ, Allayer (vulgairement Alleyer) ; puis, de nouveau, Dallayer ou D'Allayer. A partir de 1750, l'orthographe moderne est fixée : D'Alayer.Il nous reste des spécimens de l'écriture : 1° D'Honoré II; 2° de l'abbé André ; 3° do Gaspard-Alexis; 4° d'Honoré Ier; 5° de Joseph ; 6° de Jean Ier et peut-être de François, son père. Des portraits de Joseph et d'André subsistent aussi.
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