Qu'Honoré Grimaldi premier du nom qui avait succédé à Lucien son père en 1523, et qui a vécu jusqu'en 1581 n'a pas eu un moment la pensée de faire l'hommage au Duc de Savoie, ni le Duc même de le demander; qu'Emmanuel Philibert Duc de Savoie fut très éloigné de demander au Prince de Monaco un hommage que son père, auquel il succéda en 1553 n'avait pas prétendu; qu'à ce Duc succéda en 1580 Charles Emmanuel son fils qui crut qu'il fallait hasarder une tentative pour faire revivre cette féodalité plus qu'éteinte, en faisant sommer Charles Grimaldi Second du nom Prince de Monaco, fils d'Honoré mort en 1581 de rendre l'hommage qu'on n'avait point entrepris de demander à son père pendant cinquante huit ans qu'il a vécu en possession de sa pleine Souveraineté, mais que ce Prince ne répondit que par son refus, sur lequel le procès pour parvenir à la commise fut intenté contre lui sous le nom d'un Procureur nommé à son absence et contumace qui lui ayant envoyé la procédure instruite, le messager de retour à Tuila, rapporta que ce Prince n'avait pris ces papiers que pour les brasier aux yeux même du porteur, et de tous les assistants.
Qu'après cela la Chambre des comptes du Piémont crut devoir à son zèle le jugement qu'elle rendit le 26 avril 1583 qui déclare la commise de Roccabruna, et de onze parts de douze de Menton encourue par Charles Grimaldi; mais que cet arrêt ne sert qu'à marquer d'un coté que ce Prince a dignement persévéré dans son refus, et que le Duc de Savoie ne se croyant pas en droit de le poursuivre, a lui même abandonné cet arrêt sans exécution.
Que par rapport à la prescription l'explication en doit être divisée en deux temps, le premier avant l'arrêt de 1583, fondé sur l'abandon que le Seigneur même a fait de sa féodalité pendant tout ce temps là, et le second temps depuis cet arrêt. Sur quoi est observé que les Princes de Monaco ont possédé depuis 1506 leur Souveraineté comme libre à Menton et à Roccabruna de même qu'à Monaco; qu'Honoré à joui de cette pleine liberté pendant cinquante huit ans sans aucun trouble de la part des Ducs de Savoie; que Charles son fils s'y est maintenu par son refus et par sa fermeté malgré les menaces de l'arrêt de 1583; que tous ses Successeurs jusqu'à présent ont continué tranquillement la même possession de leur liberté; d'où il s'ensuit que si l'on était dans le cas d'un fief légitime et ordinaire, la prescription serait doublement acquise quand on ne la compterait que depuis le tems du refus et de la contradiction; que le compromis fait en 1596 entre le Duc de Savoie et le Prince de Monaco dans la personne de Philippe II, Roy d'Espagne expira en 1597. puisqu'il n'était que pour un an, et que d'ailleurs quand il aurait été pour plus longtemps il serait expiré au mois de septembre 1598 que ce Roy mourut; que depuis ce tems là jusqu'au Traité d'Utrecht il s'est écoulé plus de cent quinze années; que depuis 1597 jusqu'en 1637 qu'est arrivé le décès de Victor Amé, il s'est écoulé quarante années sans minorité; que depuis 1648 que Charles Emmanuel II est devenu majeur jusqu'à son décès il se trouve près de trente années et que depuis 1680 que le Roi de Sicile est devenu majeur jusqu'en 1713 qu'il a fait sa demande, il se trouve trente trois années sans minorité, de sorte que la prescription de trente ans étant suffisante pour prescrire l'hommage du jour de la contradiction suivant le sentiment unanime des jurisconsultes cités dans les dits mémoires, il est vrai de dire qu'elle a été plus de trois fois acquise; que quand au reste la prescription de cent ans serait nécessaire pour prescrire l'hommage Souverain, elle se rencontrerait dans l'espèce don il s'agit, et que le tems de la minorité d'un Souverain n'interrompt point la prescription par ce qu'un Souverain mineur a un Conseil et des Officiers qui veillent à ses intérêts: qu'il y a encore un autre moyen tiré du silence des Ducs de Savoie dans tous les Traités de paix, non seulement depuis 1506 jusqu'en 1583, mais encore depuis 1583 jusqu'au Traité d'Utrecht, dans les quels les Ducs de Savoie n'ont point protesté coutre le refus des Princes de Monaco de leur rendre l'hommage; quoi que ces deux parties y fussent comprises.
Vu pareillement les mémoires, écritures, réponses et répliques du Roy de Sicile comme Duc de Savoie dont les moyens pour établir son droit de féodalité sur les terres dont il s'agit, sont en substance; que le fief dont est question appelé oblat est défini par les Jurisconsultes, Ius inter duos, quorum unus ita rem suam mancipat, alter ero ita volenti remancipat peculiari mutuae fidei conditione affectam: ce qui se trouve dans le contrat de donation de Roccabruna et de la moitié de Menton fait par Jean Grimaldi en 1448 au Duc Louis, et dans celui du même jour, par le quel ce Duc a redonné ces mêmes terres à Jean Grimaldi à la charge de lui en rendre l'hommage.
Que neuf hommages rendus par les Descendants de Jean Grimaldi établissent la possession du Roy de Sicile; qu'inutilement on prétend établir que la Souveraineté de sa nature est inaliénable, puisqu'on ne prouve par aucun trait d'histoire que les Princes de Monaco aient eu la Souveraineté sur les terres dont il s'agit; qu'au reste cette Souveraineté prétendue était aliénable, puisque Régnier Grimaldi l'avoit acquise, et l'avoit donnée à sa femme Isabelle qui l'avoit divisée entre ses enfants.
Que par rapport au défaut de pouvoir allégué de la part du Prince de Monaco en la personne de Jean Grimaldi qui a constitué le droit de féodalité à la Maison de Savoie par ce qu'il était dit-on grevé de fidéicommis, et que la chose était affectée aux Descendants à qui il ne pouvait préjudicier; on répond qu'il n'y a rien dans le testament d'Isabelle Grimaldi aucune substitution fidéicommissaire en faveur des Descendants; qu'il y en a seulement une réciproque entre les Cohéritiers au cas qu'ils mourussent sans enfants; que les enfants mis dans la condition ne sont point dans la disposition; que les Héritiers en faveur de qui la substitution était faite au cas qu'ils mourussent sans enfants étaient Ambroise, Antoine et Jean Grimaldi qui ne pouvaient aliéner leurs portions dans ces terres à un étranger qu'au cas que les autres y consentissent; qu'Ambroise et Antoine étant morts sans enfants, le droit de substitution s'est réuni en la personne de Jean, et la substitution s'est anéantie; que le pouvoir d'aliéner ou de consentir à l'aliénation s'est pareillement réuni en la personne de Jean par la mort de ses deux Cohéritiers; qu'ainsi il avait la faculté de pouvoir disposer des terres dont est question suivant sa volonté, les personnes en faveur de qui la défense d'aliéner, et la substitution étaient faites lui ayant cédé leur droit par leur mort.
Que l'on a satisfait quand on en a été requis aux engagement aux quels on s'était obligé par les conventions du contrat, ce qui est justifié par les lettres de Lucien Grimaldi à Charles II Duc de Savoie, par les quelles on voit qu'il lui a fait de très humbles remerciement sur les secours qu'il lui avoit demandés et ajouté ces mots : Puisque Dieu merci et Vous mes terres de Menton et de Roccabruna sont en sûreté; et que pour preuve plus complète que le Vassal était satisfait de son Seigneur féodal sur cet article, il s'était engagé de nouveau en 1507 postérieurement la prise et reprise de ces deux places par une transaction du 5 octobre, de lui rendre l'hommage de la même manière et conformément aux autres hommages que les Seigneurs de Monaco avoient rendus aux précédents Ducs de Savoie.
A suivre...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire