06 mai 2006

Différends entre le Roi de Sicile et le Prince de Monaco (VII)

Et enfin le Traité fait à Péronne le 14 septembre 1641 entre le feu Roy de France Louis XIII et Honoré II Prince de Monaco, par lequel en l'article six Sa Majesté a déclaré qu'elle laisserait le Prince de Monaco en sa liberté et Souveraineté de Monaco, Menton et Roccabruna; et en l'article huit Sa Majesté a reçu sous Sa Royale protection et sauvegarde perpétuelle et des Rois Ses Successeurs, ce même Prince, toute sa Maison et tous ses sujets et ses places de Monaco, Menton et Roccabruna, avec leurs territoires, juridictions et dépendances, ensemble tous les Héritiers et Successeurs de ce Prince, et déclaré qu'Elle les garderait et défendrait toujours contre qui ce fut qui les voudrait indûment offenser.

Vu aussi les mémoires, écritures, réponses et répliques fournies par le Prince de Monaco contenant en substance que le Traité fait entre Louis Duc de Savoie et Jean Grimaldi en 1448 est également contraire à la nature de la Souveraineté et à la nature du fief; contraire à la nature de la Souveraineté qui ne permet pas que le Souverain en puisse changer l'état ni en altérer la condition en la rendant serve de libre qu'elle était, et en la soumettant à une féodalité étrangère; contraire à la nature du fief qui dans les principes généraux du droit commun ne doit reconnaître pour Seigneur que celui qui l'a concédé, et de la main du quel on le tient. Qu'il est vrai qu'il y a des fiefs établis à titre de protection appelés par les Docteurs fiefs oblats; mais que cet exemple loin de combattre le principe établi par le Prince de Monaco, le confirme, car la constitution du fief suppose tellement la concession du fonds que pour former un fief oblat il faut que ce soit par un même acte, ou par deux actes séparés faits incontinenti portant que le Prince ou le Seigneur du fonds le donne à celui dont il cherche la protection et que ce dernier redonne ce même fonds au même Seigneur à la charge de le tenir en fief; que si c'est là le genre de fief que les Ducs de Savoie prétendent exercer sur les terres de Menton et de Roccabruna; c'est une prétention nulle, premièrement dans son principe par tout ce qu'il y a de défauts, nulle en second lieu dans ses suites par le défaut d'exécution. Que la nullité dans le principe s'établit sur trois moyens : le premier est le défaut de pouvoir en la personne de Jean Grimaldi en supposant la donation faite par lui le 19 décembre 1448 à Louis Duc de Savoie de la Seigneurie de Roccabruna et de la moitié de celle de Menton, et l'inféodation faite en même temps des mêmes terres par Louis Duc de Savoie à Jean Grimaldi nonobstant les justes raisons d'en douter ; défaut résultant de la disposition du testament du 8 juillet 1417 d'Isabelle Grimaldi héritière universelle de Régnier son mari qui était Prince de Monaco et en cette qualité Seigneur de Menton et de Roccabruna ; par lequel elle a institué Ses Héritiers universels Ambroise, Antoine et ce même Jean Grimaldi ses enfants avec substitution réciproque graduelle et perpétuelle entre eux et leurs enfants, et au défaut d'enfants aux collatéraux, avec prohibition expresse d'aliéner ni de mettre hors de la famille les terres de Menton et de Roccabruna.

Le second moyen est que les hommages rendus par les Successeurs de Jean Grimaldi, à savoir par Catalan, Claudine fille de Catalan, Lambert son mari, et en dernier lieu par Lucien Grimaldi leur fils, et qu'on oppose comme approbatifs de cette inféodation, ne tombent pas seulement par la nullité de l'inféodation qui en est le fondement, mais encore par leurs propres défauts et leurs nullités particulières sur ce que Catalan dont on rapporte l'hommage du 17 mai 1454 était alors mineur, âgé seulement de vingt ans et que quoique à cet âge le vassal d'un fief légitimement établi puisse en porter valablement la foi, il n'est pas pour cela en état de reconnaître une féodalité qui n'est point, ou qui est nulle ; que Claudine fille de Catalan était pareillement mineure au temps des deux hommages faits par elle en 1465 et 1466 ; que quoi qu'elle fut assistée de Lambert son mari, et qui aient renouvelé leur hommage en 1477 il est toujours certain que la présence du mari ne fait pas valoir l'aliénation de la femme mineure; que l'hommage de Lucien Grimaldi fait en 1506 mérite encore moins de considération parce qu'alors il n'était pas encore propriétaire des terres de Roccabruna et de Menton qui appartenaient à Claudine Grimaldi sa mère femme de Lambert, lui étant venues par la succession de Catalan son père, laquelle vivait encore en 1506 Dame et Maîtresse des terres dont il s'agit ainsi qu'il parait par ses deux testaments L'un de 20 août 1510, et l'autre du 13 mai 1514 par lesquels on voit que mieux instruite de ses droits elle s'est élevée contre toute féodalité qu'on voudrait imposer à ses domaines et le soin qu'elle a pris pour ôter à ses Successeurs toute pensée de les dégrader.

A suivre...

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